Wallonie: baromètre économique T3 2021

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"En ce qui concerne le secteur des scieries de bois feuillus, et principalement du chêne, l’offre en grumes est stable voire en légère hausse. Mais les prix explosent littéralement. La demande vers la Chine bat des records, le marché chinois se portant acquéreur de 95 % du chêne vendu en Wallonie. Dans certaines catégories, les prix ont tout simplement doublé en l’espace d’un an. Les scieries wallonnes ne sont plus en mesure de s’aligner sur les prix pratiqués lors des ventes de bois", explique le baromètre économique avec des analyses détaillées de la situation en Wallonie, à mettre en comparaison avec la situation française".

Voici la suite :

En ce qui concerne le secteur des scieries de bois feuillus, et principalement du chêne, l’offre en grumes est stable voire en légère hausse. Mais les prix explosent littéralement. La demande vers la Chine bat des records, le marché chinois se portant acquéreur de 95 % du chêne vendu en Wallonie. Dans certaines catégories, les prix ont tout simplement doublé en l’espace d’un an. Les scieries wallonnes ne sont plus en mesure de s’aligner sur les prix pratiqués lors des ventes de bois. Le cours du hêtre connaît aussi une évolution à la hausse, mais dans une moindre mesure.

Cet automne, de nombreux articles ont fleuri dans la presse sur les exportations du chêne vers la Chine et les réactions d’humeur se sont multipliées sur les réseaux sociaux. Avec comme rengaine le fait que, comme d’habitude, rien n’est fait en Belgique et plus particulièrement en Wallonie pour freiner le phénomène et qu’il suffirait d’interdire les exportations. L’Office économique wallon du bois souhaite apporter quelques nuances et éclairages dans cette problématique complexe :

Les forêts wallonnes ne sont pas pillées par les Chinois. Il s’agit bien d’acheteurs belges qui sont présents aux ventes et qui se portent acquéreurs des bois qui prennent ensuite la direction de la Chine. Ces acheteurs se fournissent uniquement en bois qui sont mis à disposition par les propriétaires (publics ou privés) et leurs gestionnaires, selon leur plan d’aménagement et une gestion durable de la ressource.

• Il n’y a pas de pénurie de bois. Ce qui manque, c’est du bois à un prix permettant à nos transformateurs locaux de rester compétitifs sur leur marché.

• Pour le chêne, la tension est bien réelle entre les transformateurs et les exportateurs. Pour les autres essences, comme le hêtre ou le frêne, les marchés locaux étant devenus assez confidentiels, la vente à l’exportation offre une porte de sortie bienvenue à une matière dont on ne saurait autrement quoi faire. Grâce à l’exportation, ces essences conservent une valeur économique, ce dont les propriétaires ne se plaindront pas. N’oublions pas non plus que c’est l’exportation qui a récemment permis à la Wallonie d’écouler d’importants volumes de bois scolytés, alors que nos entreprises étaient engorgées. Encore une fois en garantissant au passage un revenu, certes limité mais bien réel, aux propriétaires.

• Bien consciente de la situation, la Wallonie dispose d’un système de ventes dites de « gré à gré ». Elles permettent aux propriétaires publics de proposer un volume plafonné de bois à des transformateurs locaux. Il s’agit en réalité d’un système d’appel d’offres restreint auprès de scieurs locaux. Bien qu’il soit en place depuis 2014, ce mode de vente reste loin d’être utilisée à son plein potentiel. Les raisons de cette sous-exploitation sont multiples pour les communes et leur gestionnaire, le DNF. Les plus fréquentes étant la crainte d’une perte financière, la peur d’un manque de contrôle et l’absence de matière première adaptée à la demande des scieurs locaux à l’échelle de la commune ou du cantonnement. Au niveau financier, certains propriétaires pensent en effet qu’une concurrence restreinte aux seuls scieurs locaux ne leur permettra pas de vendre leurs bois à des prix auxquels ils pourraient prétendre dans le cadre d’une vente par adjudication publique. Or, il convient de rappeler que les prix pratiqués dans les ventes en gré à gré suivent les mêmes tendances que ceux des adjudications publiques, puisque les prix de retrait qui y sont fixés (prix en dessous duquel le lot est retiré de la vente par son organisateur) sont précisément établis sur la base des prix pratiqués dans ces ventes par adjudication publique, où les exportateurs sont bien présents et achètent à prix fort. En termes de contrôle du système en Wallonie, les opérations sont le fruit d’une collaboration entre le DNF, l’Office économique wallon du bois et les transformateurs eux-mêmes. Des lots sélectionnés de manière aléatoire font l’objet d’une vérification à la sortie des parterres de coupes, avant le transport et avant le sciage dans la scierie.

• Le label de transformation UE français (labellisation des lots composés de plus de 50 % de chêne de sciage) est parfois cité en exemple lorsque sont évoquées des mesures destinées à freiner l’exportation. En réalité, dans son principe, le label UE est très proche des ventes en gré à gré wallonnes : une part de chêne est réservée aux transformateurs locaux dans des ventes en gré à gré. Il est néanmoins nettement plus lourd dans sa mise en place et dans sa gestion et par conséquent plus onéreux. Le système est en effet payant pour les adhérents et les missions de contrôle ont été externalisées à la société d'audit et de consultance KPMG. Depuis la création du label UE, les exportations de grumes de chêne en France connaissent la même montée que chez nous. Peut-on donc considérer ce système plus efficace ? Des fuites de bois subsistent, par l’entremise de sociétés qui agissent en façade. Plusieurs ont d’ailleurs été exclues du label. Afin de rester dans les clous de la réglementation européenne en matière de libre-échange, le système autorise une transformation hors des frontières françaises. Ce qui n’est pas non plus de nature à en simplifier le contrôle. Au 15 octobre 2021, trois entreprises wallonnes disposaient de ce label UE.

Pour développer les ventes en gré à gré à destination des scieries locales, la solution réside finalement dans une volonté politique à plusieurs niveaux : communal, régional et européen. Le problème est en effet loin d’être limité à la Belgique. Difficile équation donc ! Les entreprises locales réclament un soupçon de dirigisme et d’interventionnisme de l’Etat (comme on le retrouve dans d’autres régions du monde où la démocratie est pratiquée à géométrie variable) dans un grand verre de libéralisme économique presque sacré à leurs yeux. Une goutte d’huile dans un grand verre d’eau. Pendant ce temps, certaines communes vont essayer d’aller chercher jusqu’au dernier euro, sans se soucier de l’économie wallonne à moyen et à long terme. C’est-à-dire sans véritablement se demander qui leur achètera leurs bois quand les scieurs locaux auront disparu et que les Chinois seront seuls à faire le prix (comme c’est déjà le cas pour le hêtre) ou se seront détournés du chêne européen. Enfin, les différents Etats membres et l’Europe ont bien trop peur d’indisposer un partenaire commercial comme la Chine avec des mesures protectionnistes visant un marché qui ne représente finalement pas grand chose dans la balance commerciale.

Espérons à tout le moins que le battage autour de la question ces dernières semaines aura le mérite de faire en sorte que les décideurs, notamment communaux, prennent des dispositions concrètes en faveur des transformateurs locaux. De son côté, la Ministre Tellier a insisté auprès de son administration forestière pour que les bois issus de forêts domaniales soient prioritairement mis en vente via le système du gré à gré ainsi qu’auprès des communes pour qu’elles appliquent également ce système. Certaines n’avaient toutefois pas attendu cette demande pour déposer des motions auprès de leur collège afin que 15 % de leurs chênes de qualité sciage soient orientés vers les ventes en gré à gré à destination des scieries locales.

Tout cela ne doit pas non plus faire oublier que le développement de la consommation en circuits courts et l’innovation au sein de la filière constituent d’autres moyens pour contrer le phénomène. Car c’est en rapatriant davantage de valeur ajoutée sur notre territoire qu’il sera possible de réduire cette fuite de notre matière première non transformée. Le plan de relance wallon prévoit d’ailleurs une enveloppe de 8 millions d'euros pour accompagner la filière dans cette voie.

A côté de cette situation extrêmement délicate en termes d’approvisionnement, la demande en sciages feuillus demeure stable. Les prix enregistrent une hausse de l’ordre de 10 à 15 %. Elle pourrait être plus forte si des bois n’étaient pas disponibles dans des zones où la matière première est plus accessible ou moins chère pour les scieurs, ç’est-à-dire dans des régions plus éloignées des zones portuaires ou lorsque son accessibilité fait l’objet d’une plus grande protection. Si rien ne change, certains scieurs de feuillus estiment la durée de vie de leur secteur à trois ans tout au plus.

En matière de produits connexes feuillus, la demande est stable, mais les prix partent à la hausse. En effet, les flots d’épicéas scolytés sur le marché de l’énergie et de la trituration semblent faiblir. Le prix du bois de chauffage, outre l’effet saisonnier, devrait se raffermir suivant l’évolution du cours du mazout.

Pour la pâte à papier à base de feuillus, l’offre en bois ronds est en diminution pour diverses raisons : la pression sur le marché des bois feuillus qui remonte après la crise des scolytes et le flux important d’épicéas, les mauvaises conditions météorologiques de cet été (le plus humide depuis trente ans) et le manque de main-d’œuvre en forêt (pour les opérations d’abattage, de débardage et de transport). La demande en pâte est à la hausse. Les prix restent stables, mais soutenus grâce à une forte demande des marchés européen et américain dopés par la reprise post-Covid.

La demande en papier d’impression enregistre aussi une hausse sensible, également placée sous le signe de la reprise post-Covid. De fortes tensions sont perceptibles sur les prix des différentes matières premières nécessaires à sa fabrication, et pas uniquement sur le bois. Un renforcement des prix du papier est attendu dans les prochains mois. Les médias relayaient récemment les difficultés rencontrées par les maisons d’édition pour faire imprimer leurs ouvrages. Des quotas d’impression pourraient être mis en place, et les prix des livres augmenter tout prochainement.

En ce qui concerne le secteur du résineux, le prix des bois sur pied a considérablement augmenté au printemps dernier, avant de connaître un premier tassement vers la mi-juin. Si on ne retrouve pas encore les prix de 2017, ils ne sont plus très loin. Logiquement, cette remontée de prix (correspondant à une très forte demande de l’industrie) s’est accompagnée d’une offre en bois importante de la part des propriétaires (privés comme publics) qui ont pu traverser la crise en maintenant leur patrimoine résineux plus ou moins indemne sur pied après trois années compliquées. D’importants volumes de bois issus de peuplements plus ou moins touchés par le scolyte sont également mis sur le marché en mise à blanc par des propriétaires privés durement éprouvés par le stress de la crise et qui voient dans cette remontée l’occasion de se débarrasser d’un fardeau qu’ils considèrent dorénavant comme une essence sans avenir.

Les déboires de l’épicéa profitent au douglas, qui tire son épingle du jeu et enregistre des hausses de prix sur pied très notables. Les problèmes qualitatifs de l’épicéa semblent avoir ouvert ou élargi le marché du douglas auprès de certains consommateurs. Cet été pluvieux et frais a considérablement freiné la progression du scolyte, même si dans certaines zones où il est hors station, sa présence et ses effets ont tout de même été constatés. Impossible à l’heure actuelle d’affirmer que la crise est terminée. Toutefois, si une accalmie notable venait à s’installer dans les pessières survivantes, il y a fort à parier que les propriétaires reprendront confiance en cette essence au travers de modèles sylvicoles sans doute plus variés.

S’agissant des sciages, en petites et moyennes scieries, le calme revient tout doucement après la folie du printemps dernier, lorsque la demande était largement supérieure à leur capacité. Cette demande semble s’être stabilisée, même si les entreprises peinent à rattraper les retards accumulés. Les délais de livraison restent longs. Les augmentations de prix des sciages du premier semestre ont été assimilées sans problème, tant la demande était importante. Si la situation économique actuelle dans ce secteur est au beau fixe, le climat reste parfois tendu avec certains clients qui n’acceptent pas les délais imposés par la situation exceptionnelle. Le retour à une situation plus calme est parfois souhaité… Un comble ! Pour les connexes (écorces, sciures et plaquettes), la demande et les prix sont stables pour le secteur du mulching, même si ceux qui commercialisent de la sciure à destination des litières d’élevage ont appliqué une légère hausse de prix, suivant celle de la paille.

Dans les scieries industrielles, après une forte envolée de la demande et des prix des sciages, l’évolution est à la baisse. La demande diffère selon le profil de l’acheteur (négociant ou constructeur), selon l’état des stocks et selon les pays. L’accalmie saisonnière approche. Toutefois, les professionnels s’accordent à dire que les fêtes de fin de l’année, l’hiver et le mauvais temps seront suivis d’une nouvelle importante reprise dès le retour des beaux jours. D’autant qu’il est pressenti que la demande américaine dépassera à nouveau nettement l’offre dès le début de l’année prochaine. Avec le ralentissement des grosses scieries, l’offre en connexes se tasse. La demande étant à la hausse, les prix montent en ce début d’automne. Vu la forte augmentation tarifaire du mazout, la demande en poêles à pellets s’enflamme, tandis que les stocks de pellets sont vides.

En ce qui concerne les panneaux de fibres, la disponibilité en bois ronds baisse fortement, surtout en feuillus. L’offre en plaquettes diminue aussi légèrement. Les prix des plaquettes et des rondins résineux grimpent. La météo pluvieuse de cet été a bloqué beaucoup de bois en forêt. A la fin de l’été, les stocks des entreprises affichaient un niveau très bas. Les prix et commandes pour le MDF se stabilisent.

Dans les négoces de bois spécialisés, l’offre en sciages résineux s’était raréfiée jusqu’à fin août, avec comme conséquence une forte augmentation des prix (voir baromètres des trimestres précédents). Depuis début septembre, la situation évolue : les prix des sciages en épicéa et des produits industriels de type KVH chutent. Les Américains se retirent du marché européen et les produits sont de nouveau disponibles. S’agissant des bois du nord, les prix commencent aussi à diminuer, mais l’offre reste limitée. Pour l’OSB, l’offre est à la hausse, avec des prix en léger recul. Au niveau du MDF, la problématique reste entière : l’offre ne se relance pas. La disponibilité en colle serait en partie responsable. Les prix des bois et panneaux en provenance d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud poursuivent leur croissance. L’offre est faible. Ici, le facteur déterminant serait le prix des containers de transport.

Du côté du parquet, le dernier rapport de la fédération européenne (FEP) annonce une consommation en hausse sur tout le marché européen durant le premier semestre 2021. La rénovation et l’adaptation des maisons à la vie post-Covid reste le moteur de cette croissance. Même si la tendance devrait se poursuivre, elle sera probablement moins marquée dans les mois qui viennent eu égard à la réorientation des dépenses dans les activités de loisirs qui ont été limitées par le confinement. Ici aussi, la disponibilité et l’accès à la matière première restent les facteurs limitants et une stabilisation de cette situation n’est pas envisagée avant le printemps 2022. La logistique et le fret sont également épinglés comme freins à la croissance, ainsi que le manque de main-d’œuvre dans les unités de production.

Enfin, dans la construction, une récente étude d’ING montre que 81 % des Belges pensent que le prix de l’immobilier continuera à augmenter. Cela engendre un sentiment qui pousse à acheter pour ne pas manquer la bonne affaire (c’est le fameux syndrome du FOMO, ou « fear of missing out »), même si 62 % de ces mêmes Belges sont convaincus que le marché de l’immobilier est actuellement surévalué. Un sentiment accru par le fait que 72 % des Belges estiment que les jeunes éprouveront des difficultés à devenir propriétaires dans les trois prochaines années. Parallèlement, un Belge sur cinq planifie une rénovation de son bien immobilier dans les douze prochains mois.

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