Que reste-t-il de la façade de rénovation énergétique en bois ?

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Fordaq JT
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La construction bois comptait beaucoup sur le marché de la façade préfabriquée en bois, notamment dans le cadre de la rénovation énergétique, mais il ne lui reste plus que des moutons à cinq pattes et quelques niches. Et pourtant, ce sont des niches prometteuses, à l’exemple de la rénovation de collèges des années 70, où LCA se positionne résolument.

Sur le plan médiatique, c’est vrai, la préfabrication des façades en bois a fait un bon buzz. C’est spectaculaire, rapide, propre, moderne. Les nouveaux outils digitaux permettent de scanner la façade et de transmettre les données à l’outil de taille numérique, du moins en théorie. Cependant, la massification n’a pas eu lieu. Le marché annexe de la rénovation énergétique ITE en kit, lancé par Gascogne, n’a jamais pris. Les bailleurs sociaux et les copropriétés s’en remettent le plus souvent au PSE sous enduit, une technique à coups maîtrisés. Selon un bailleur comme Plurial Novilia, la solution PSE sous enduit revient deux fois moins chère que l’ingénieux Panobloc de Techniwood. Le PSE dispose de tout un réseau d’entreprises, de nombreuses références, de fournisseurs qui sont en mesure, à l’instar de Sto, de proposer en complément l’ensemble des fournitures pour les solutions de détail. Pendant ce temps-là, dans le bois, on réinvente la poudre à chaque chantier. Certes, les nuisances sur site sont réduites, ce qui est agréable pour l’habitant. Mais tant pis pour eux. Quant à l’exploitation de la nouvelle peau à ossature bois comme façade technique, cela est resté une exception. Difficile de compter les points car personne ne sait précisément où on en est en matière de rénovation énergétique en France. La preuve, c’est qu’on parle toujours de ce qui reste à faire par an, en avançant des chiffres ronds comme 100 000 logements modestes du parc social considérés comme passoires (G et F), à rénover par an. Des organisations faîtières qui gèrent de millions de logements du parc social aux organismes locaux, personne ne produit un bilan clair et lisible de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. Il est donc difficile de mesurer la part du bois, au point qu’on ne se rend même pas compte à quel point elle est faible en pratique. Quand ce n’est pas le PSE sous enduit, c’est la laine minérale fixée sur la paroi, puis recouverte par un bardage le plus souvent en cassette métallique.

Il y a des pays où l’option bois fonctionne un peu mieux, comme les Pays-Bas, qui couplent à présent cette approche avec un objectif BEPOS, dans le cadre du concept Energiesprong. Actuellement, deux opérations pilote ont été menées en France, et une forte démarche de sensibilisation a lieu auprès des bailleurs sociaux. Si ça prenait, et qu’on arrive à 1000 logements par an rénovés de cette façon dans les deux ans, ce serait le bout du monde et en même temps, cela ne représenterait que 1% de l’objectif annuel assigné en matière de passoires thermiques du parc social. Mais rien ne permet d’imaginer que les bailleurs vont changer de mode de faire et accepter de débourser environ 70 000 euros par logement rénové au lieu de 25 000 actuellement.

Il est donc entendu que la façade thermique en bois n’a pas atteint la taille critique qui en fait une véritable option en rénovation énergétique. La filière n’a pas vraiment fait d’efforts pour qu’il en soit autrement. A tort ou à raison, elle n’a pas vraiment engagé le combat sur ce créneau, face au mur manteau d’une part, et du syndicat du bardage de l’autre. Le mur manteau, après de très longues années d’effort peu récompensés, a pu saisir l’aubaine, tandis que les bardeurs se sont organisés, fédérés. La filière bois a avancé en ordre dispersé, suivant peu ou prou la place du précurseur Socopa. On se retrouve donc, dix ans après le Grenelle, dans une situation où il n’existe pas de fait sur le marché d’option raisonnable biosourcée en rénovation énergétique de façade. Même si Pavatex voit ses ventes fortement progresser en région parisienne sur le segment façade, la notion de progrès dépendant toujours de là où l’on place le curseur. Et la mauvaise nouvelle, c’est que malgré un décret électoral d’avril 2017 non encore révoqué par le nouveau gouvernement, l’ensemble du parc public doit faire l’objet d’une mise à niveau énergétique poussée et c’est donc depuis plus d’un an que l’option de la rénovation énergétique avec façade bois devrait avoir fait l’objet d’une réévaluation de la part de la filière, pour chercher à savoir si dans ces conditions nouvelles, une nouvelle chance s’offre à la filière, qu’il faut saisir. Mais pour cela, il faudrait qu’il existe une sorte de gouvernance marketing de cette filière, et on n’en est pas là. On en est en fait encore à parler de la mise en place d’une veille économique, ce qui est un outil de base pour pouvoir faire ce travail de marketing. La veille traîne et quand même on l’aurait, qui donc l’exploiterait ? FBIE ? Pourquoi pas, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que jusqu’à présent, cette association n’a pas joué du tout ce rôle, du moins de façon apparente. FBIE ne s’est pas mouillé pour définir des priorités d’action et mobiliser les ressources du collège Codifab en face. Au moins, le FBIE existe et demain, avec la mise en place de la veille technologique, tout deviendra possible.

En attendant, le mieux est toujours de se tourner du côté de ce que fait Atlanbois. Que fait Atlanbois ? Atlanbois soutient et relaye les chantiers de rénovation énergétique avec des façades préfabriquées en bois. Ils ont même commencé bien avant le décret d’avril 2017, puisque LCA livre en septembre 2017 son deuxième collège.

De fait, ce n’est pas seulement Atlanbois, c’est aussi, en symbiose, les instances politiques des Pays de la Loire. Ainsi, le Conseil départemental de Loire-Atlantique a initié déjà depuis quelques années une démarche de rénovation énergétique de ses collèges. Souvenons-nous : durant la vague du Grenelle, dans la Manche et aussi à Strasbourg, les responsables locaux se sont appuyés sur une norme européenne pour non pas utiliser le budget en rénovant un collège après l’autres, mais passer un accord avec un énergéticien pour rénover plusieurs établissement d’un seul coup, avec un engagement sur les consommations énergétiques. On pensait alors que c’était un modèle à suivre sur une large échelle mais non, il n’y a pas eu de suite, pour différentes raisons. L’une de ces raisons était que rien n’obligeait les départements à rénover énergétiquement leurs collèges, ce qui n’est plus le cas depuis le décret d’avril 2017, du moins dès lors qu’une action de rénovation est engagée sur le parc.

Les PPP énergétiques, cela ne semble pas l’option courante pour l’instant, du moins en Loire-Atlantique. D’un certain côté, c’est une chance pour la filière bois qui va pouvoir se positionner sur les projets au coup par coup, pas seulement en Loire Atlantique. On peut dire que personne ne se marchera sur les pieds, la question est plutôt de réussir à fournir. Car la Loire Atlantique est un département comme les autres et on y trouve, d’une part, des collèges en béton fortement tramés des années 70, et d’autre part, on se rend compte que la première opération livrée par LC en 2015, le collège Paul Gauguin à Cordemais, ne visait même pas encore le niveau BBC, de sorte que le second collège, la Reinetière à Sainte-Luce-sur-Loire, livré en septembre 2017, est la première opération BBC. On peut donc imaginer tout ce qui reste potentiellement à faire. Mais on pouvait déjà l’imaginer il y a dix ans et là est finalement le fond du problème. Les constructeurs bois ont investi dans les machines qui pouvaient leur permettre de préfabriquer plus, en anticipant notamment ce marché de la rénovation énergétique qui finalement n’est pas arrivé. Maintenant, gageons que le marché se débloque enfin, mais comment avoir confiance et investir encore ? Et si l’outil de production en reste où il est actuellement, sera-t-il possible de répondre correctement à ce type de marché ?

Loin de ces grandes questions, dès à présent, en Loire Atlantique, pour les collèges qui restent à rénover, on sait qu’il existe une option bois viable et calculable et qu’il existe au moins une bonne entreprise locale pour faire le chantier.

Maintenant, une cellule marketing de la filière bois, si elle existait, jaugerait le décret d’avril 2017, rechercherait toutes les infos disponibles sur les collèges et leur construction, constituerait un argumentaire choc et démarcherait les conseils départementaux via les prescripteurs bois des interprofessions, avec un catalogue d’images et de retours d’expérience, des prix au m2, des options de service. Au moins, le bois aurait une chance de se placer sur ce créneau.

Mais peut-être qu’il y a d’autres marchés qui sont prioritaires. Les crèches neuves, par exemple. Ou des concepts de petits centres multiservices pour répondre à la désertification des services dans le monde rural. Les logements étudiants si le plan quinquennal devait vraiment devenir réalité. Il existe peut-être plein de niches pour la construction bois, il suffit de se baisser pour les cueillir. On peut parier avec une certaine marge de risque qu'il faudrait étoffer nos capacités d'accueil de réfugiés, comme cela a été fait en Allemagne, avec des solutions constructives en bois. A moins d’avoir la tête sur les épaules et les yeux en face des trous, pour voir que le marché de la rénovation énergétique, aussi poussif qu’il soit jusqu’ici, reste l’un des principaux leviers du monde du bois, et qu’il convient de l’aborder avec détermination.   

Illustration (copyright Athena, LCA) :

vue de la rénovation du collège de La Reinetière, cf. article paru le 9 mai dernier sur Fordaq

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